Cela fait plus de trente ans que je côtoie les dirigeants et les cadres en entreprise. Je n’ai pas du tout l’impression qu’ils ne « travaillent pas assez ». Au contraire. Je ressens un rythme beaucoup plus soutenu. Ils marchent plus vite dans les couloirs, ils téléphonent en mangeant ou font leurs mails en réunions ! Il y a une pression qui n’existait pas dans les années 90. Cela ne veut pas dire pour autant qu’on soit plus efficaces. Je croisais il y a quelques années des dirigeants qui prenaient encore le temps de réfléchir. Aujourd’hui, l’entreprise demande tellement de résultats immédiats qu’il en résulte des décisions insuffisamment instruites avec comme conséquence des redécisions fréquentes et un stress supplémentaire. En fait l’état d’urgence devrait conduire au contraire à beaucoup plus d’organisation et à une formation à l’efficacité collective. Regardons le modèle des pompiers et des Samu qui, spécialistes des urgences, en sont d’autant plus des maîtres en organisation et en anticipation.
Travailler plus n’est pas forcément la solution. Travailler mieux est plus facile. Cela veut dire préparer, mesurer, évaluer, respecter les différents rythmes de fonctionnement. L’entreprise doit apprendre à différencier ses rythmes selon les catégories de besoin, stratégiques, politiques ou opérationnels. A l’exemple du rythme de la promenade, la démarche stratégique doit permettre de prendre du recul en regardant loin de façon à trouver l’élan pérenne nécessaire. En revanche le rythme du marcheur ou du coureur de fond sied bien à l’opérationnel, alors que la course constitue une vitesse propre aux urgences. Ces différents rythmes n’étant pas assez distingués, nombreux sont les acteurs qui s’essoufflent ou s’usent. A force de ne pas faire à temps, tout devient urgent. Au point que certaines estimations montrent des pertes en rendement global qui peuvent atteindre, pour certaines équipes, 30 % de l’énergie disponible !