« Le travail d’équipe est essentiel. En cas d’erreur, ça permet d’accuser quelqu’un d’autre ». (Bernard Menez, acteur)
Coacher pour l’efficacité collective
Constituer une équipe, c’est rassembler des hommes et des femmes pour les faire collaborer à un même projet, dans un contexte commun. Mais c’est aussi mélanger des individus avec leurs histoires, leurs besoins et leurs désirs ; et croiser des points de vue, des valeurs et des croyances. C’est créer une dynamique dont on ne peut prévoir à l’avance la nature, ni la vitesse de génération, ni l’issue.
Lorsqu’une équipe se constitue, c’est donc une véritable aventure humaine qui commence et ce système, hautement vulnérable, va traverser des épreuves et développer sa maturité en fonctionnement collectif au long d’un parcours parfois difficile. C’est désormais au coach d’équipe de veiller à cette montée en puissance.
Pour mener le coaching, il est essentiel de repérer les anomalies de fonctionnement de l’équipe. Pour ce faire, plusieurs grilles de lecture sont possibles en fonction des courants théoriques. Nous vous présentons ici les 6 dysfonctionnements sur lesquels s’appuie la méthode de diagnostic proposée par O. Devillard, élaborée sur la base d’une recherche nourrie en entreprise.
Les équipes n’ont pas toutes la même maturité
Une lecture pragmatique du niveau de maturité de l’équipe peut être utile pour comprendre l’origine des dysfonctionnements du groupe. Revenons brièvement sur cette notion de maturité, longuement développée dans « Dynamiques d’équipe » (O. Devillard. Editions d’Organisation, 2005)
Il existe trois catégories d’équipes (K. Lewin), qui regroupent les différents stades de maturité (Katzenbach et Smith). Ces catégories sont :
– la pseudo équipe, qui n’a d’équipe que le nom et l’aspect extérieur ;
– l’équipe authentique, qui a développé de vraies compétences en fonctionnement collectif ;
– l’équipe excellente, qui fonctionne en intelligence collective ce qui est, si ce n’est suffisant, du moins nécessaire, pour atteindre de hautes performances.
Les principaux stades ou niveaux de la maturité de ces équipes :
1) Le stade de latence.
A ce stade, le groupe ressemble plus à une collection d’individus qui se jaugent et se méfient les uns des autres. Ici, il n’y a pas vraiment d’équipe car il n’existe ni cohésion humaine, ni cohésion technique.
2) Le stade d’appartenance
C’est le stade où une cohésion embryonnaire prend forme. Mais l’équipe est davantage un groupe d’amis qu’un groupe efficace centré sur la tâche. Néanmoins il y a un vrai plaisir et un désir d’appartenance.
3) Le stade d’équipe constituée
Ce stade est celui d’une équipe orientée vers un objectif commun, ce qui suppose également une communauté de pratiques, de façons de faire, de langage, etc… Ainsi qu’une bonne pratique de la coopération.
4) Le stade d’action concertée
Caractérise les équipes constituées, mais qui vont plus loin dans la coopération et la coresponsabilité.
5) Le stade de complicité tactique
Ce stade est celui d’équipes excellentes et de ce fait, il se rencontre dans les équipes à fort enjeu et bon niveau de développement des qualités d’équipiers. Dans leur complicité, le plaisir du « je » sert le « nous » et permet d’élaborer des scénarios tactiques où chacun prend le rôle qui favorisera le plus l’efficacité collective.
6) Le stade d’intelligence collective
Enfin dans l’intelligence collective, les équipiers partagent le leadership, s’utilisent mutuellement, se connaissant parfaitement et « jouent » sur plusieurs logiques de fonctionnement en fonction de la situation.
Dysfonctionnements : du manque de confiance à la peur du conflit
On ne rencontre pas les mêmes dysfonctionnements dans toutes les catégories d’équipe. Il paraît évident qu’une équipe de niveau « intelligence collective » est précisément une équipe qui ne dysfonctionne plus ! Mais au sein des autres catégories, les dysfonctionnements sont les freins qui empêchent les équipiers de passer à des stades supérieurs et qu’il faut lever un à un ; les indicateurs sur lesquels le coach s’appuie pour poser son diagnostic.
On rencontrera donc des freins spécifiques aux catégories d’équipes.
Dysfonctionnements dans les pseudos équipes
Deux dysfonctionnements sont caractéristiques de ce type d’équipe où, rappelons-le, on n’observe peu ou pas d’attitudes d’équipiers.
1. Le manque de confiance
Le manque de confiance est un effet de dysfonctionnement d’équipe, qui entrave la coopération. Il est l’un des plus difficiles à résoudre pour le coach et entraîne des inhibitions, des non-dits, des attitudes rebelles. Le manque de confiance signe la peur et la méfiance des individus, face à l’équipe en tant que groupe et face aux objectifs. Il se décèle en revanche, facilement en observant simplement l’équipe en réunion.
2. Le jeu personnel
A ce stade, le jeu personnel ou individuel est bien sûr la règle. Règle qu’il est plus ou moins aisé de changer, en fonction du niveau de conscience des équipiers. Car le jeu personnel n’est bien souvent que le résultat d’une méconnaissance de ce que pourrait apporter à chacun le jeu collectif. Il s’agit donc de faire passer auprès des individualistes tout le plaisir qu’ils auraient à fonctionner à plusieurs et à quel point le collectif est un moyen de se développer individuellement. Un séminaire de team-building est approprié, en première intervention, dans ce cas de figure.
Dysfonctionnements dans les équipes authentiques
Bien qu’authentiques, ces équipes connaissent les affres de tout groupe engagé dans l’action commune… Action commune qui nécessite, comme le démontre R. Tuomela*, une « intention commune », mais aussi de la tolérance, ce qui n’est pas si répandu…
Les principaux dysfonctionnements de ces équipes sont au nombre quatre. Ils gênent tous l e développement meilleur de l’équipe en termes de cohésion humaine et fonctionnelle. On retrouve :
1. L’insuffisance d’élaboration
Savoir élaborer en équipe est une vraie compétence qui demande la maîtrise des règles du débat : écoute, co-construction des idées, respect du cadre, expression orale, etc. Or il n’est pas rare que les équipes ne pratiquent pas le débat, soit parce qu’elles pensent qu’il s’agit d’une perte de temps, soit parce qu’elles en ont eu une mauvaise expérience (joutes verbales, échanges stériles, etc).
Ce manque d’élaboration commune est pourtant pénalisant pour les groupes de travail, car le débat est essentiel aux interactions constructives : changer d’avis, unifier les équipiers, collaborer, préparer les actions. Il ne fait pas perdre de temps, bien au contraire, car ce sont les mauvaises décisions qui créent les problèmes futurs. Apprendre à élaborer est l’un des premiers pas des équipes authentiques vers l’excellence et un apprentissage à mettre en œuvre en priorité.
2. L’engagement réservé
On peut observer dans certaines équipes, même bonnes, des équipiers peu mobilisés, qui se réservent, qui ne s’engagent pas autant qu’ils le devraient. Parfois dû à un climat médiocre dans le groupe ou dans l’entreprise, ce manque d’engagement peut aussi être le symptôme d’une peur des individus à prendre le « risque du collectif », c’est-à-dire le risque d’être comparés, amalgamés, etc. Conséquence de cette attitude : l’équipe n’a pas « la gagne ». Un séminaire de cohésion d’équipe est une bonne solution pour faire émerger l’énergie.
3. L’excès d’exercice du pouvoir
Fréquent lorsque le manager a beaucoup de charisme, de leadership ou d’expertise. Le problème ici est que les équipiers sont « écrasés » par leur chef et deviennent passifs. Ce dysfonctionnement se repère rapidement, dès la présentation au manager ! On peut alors coacher l’équipe en sorte qu’elle fasse bouger son chef et qu’il apprenne à mettre un bémol à son pouvoir personnel.
4. La peur du conflit
La conflictualité, ou la capacité à tenir le conflit, est une qualité d’équipier ! Repéré dans les meilleures équipes, cette aptitude à vivre des moments pénibles dans les relations entre individus correspond aussi à un travail de développement personnel. Savoir entrer en conflit, sans confondre l’objet et le sujet, sur un mode résolutoire et profond, permet à l’équipe de passer à des niveaux supérieurs d’action commune. Il est démontré que le conflit est inhérent à l’entreprise et au travail commun, qui mettent les individus sous tension et que ces passages sont donc inévitables.
Les équipes qui se jettent dans le conflit par peur, ou qui a contrario, le fuient, auront bien du mal à passer les stades de maturité.
Repérer les erreurs de fonctionnement, pour le coaching
Diagnostiquer ces dysfonctionnements permet au coach de rapidement construire une première intervention et d’élaborer un accompagnement de l’équipe sur le long terme.
Mais avec cette grille de lecture, le coach peut également comprendre et prévoir une part des embûches qu’il rencontrera dans cet accompagnement de l’équipe. Car bien sûr, chaque dysfonctionnement s’étend aussi à la relation équipe / coach…
*Raimo Tuomela, Professeur de philosophie, spécialiste de l’action commune (« joint action »).